Michael* était le propriétaire d'une franchise de café bien connue des Montréalais. À l’été 2017, il l’a vendue à Lynn. Les employés sont restés, malgré ce changement de propriétaire et de management.

Michael

Dans le domaine depuis une dizaine d'années, Michael est surtout passionné par l'entreprenariat. Avoir sa propre affaire et instaurer ses propres règles l'ont toujours attiré. C'est une personne qui est l'affût de chaque nouveauté dans son domaine. Lorsqu’il en aura l’occasion, Michael aimerait se diversifier dans l’immobilier. Il a gardé de bonnes relations avec ses employés et organise occasionnellement  des dîners avec eux, même après que leurs chemins se sont séparés.

Lynn

Le café est sa passion depuis plus d'une vingtaine d'années. Elle a d’ailleurs possédé plusieurs franchises. La constance de la qualité dans ses produits et dans ses façons de faire sont ce qui la rend la plus fière. Une acharnée au travail, elle n’hésite pas à rester avec ses employés sur le plancher, de l'ouverture jusqu'à la fermeture, tous les jours, pour s'assurer que tout se passe comme elle l'a planifié.

La barista

Avec Michael, c’était toujours chaleureux; l'équipe était soudée et, ce qu'il y avait de bien, c'est qu'on pouvait interchanger nos postes comme on le voulait. Un jour je faisais la caisse, le suivant, j'étais la personne qui donnait les commandes aux clients et l’autre, je pouvais rester à la préparation des sandwiches et des salades.

On riait avec les clients et certains nous racontaient même leurs histoires personnelles.  Après, bien sûr qu'il y avait des clients réguliers qu’on aimait moins, mais quand on les servait, on se jetait des petits regards entre nous et on se soutenait comme ça.

Une fois, avec un client qui nous horripilait particulièrement, on a léché son bagel. Michael l'a su - parce qu’on lui a dit - mais personne n'a été renvoyé. Après, on n’a plus jamais fait ce genre de choses, car on ne voulait pas que ça retombe sur la réputation du café.

Si parfois on faisait des accidents, comme faire déborder un thermos de café,  on s'entraidait pour réparer notre gaffe et Michael nous disait que ce n'était pas grave. Aussi, si on avait des idées pour le café Michael se rendait toujours disponible pour nous écouter et en parler. Je dois quand même avouer qu’on n’en avait pas beaucoup.

Michael nous faisait confiance et on essayait de le lui rendre autant qu'on le pouvait. Et si, aujourd'hui, il me demandait de l'aider dans son autre café, je le ferais avec plaisir.

Avec Lynn par contre, on ne peut pas dire que c'était le cas. Chacun avait son poste et il ne fallait même pas penser à faire autre chose que ce qu'elle avait prévu pour toi. Je me sentais en prison avec mon geôlier toujours par dessus mon épaule à regarder ce que je faisais et comment je le faisais. Une fois, je préparais un bagel au fromage à la crème pour un client habituel et elle m'a fait toute une leçon sur la manière dont je devais tenir le couteau et le bagel et le sens dans lequel je devais tartiner. Entre collègues, on se soutenait en racontant ce qu’elle nous faisait subir.

Niveau ouverture d'esprit pour accueillir de nouvelles idées (et là paradoxalement on en avait beaucoup), Lynn est ce qu'il y a de plus fermé et conservateur.

Elle n'hésitait pas à nous réprimander devant les clients, ce qui était assez rabaissant.   L'ambiance n'était pas du tout la même, et les clients l'ont remarqué. Certains ont arrêté de venir, d'autres ont continué et nous encourageaient dès qu'ils voyaient nos visages éteints. J'ai même pleuré une fois, après qu’elle m’ait crié dessus devant nos clients.  Le lendemain, j'ai remis ma démission.

Aujourd'hui, plus personne de notre équipe ne travaille dans ce café.

Malgré tout, je ne crois pas que Lynn soit une mauvaise personne.  Je pense simplement qu'elle n'est pas heureuse dans son travail et que ça ressort dans ses pratiques de gestion. Un jour, elle m'a confié qu'elle n'aimait plus ce qu'elle faisait, et que pour elle ce café était sa prison. Elle m'a encouragée à aller loin dans mes études pour ne pas finir comme elle.


Confessions recueillies par Laura Vongue