Il y a un terme pour décrire la tendance à penser que tout peut se régler par la technologie. C’est le solutionnisme technologique. En plus d’alourdir l’organisation, l’enjeu principal du solutionnisme technologique c’est de ne pas régler les vrais problèmes.

J’aimerais extrapoler le terme «solutionnisme» aux organisations qui ont pour habitude de penser que tout problème se règle par des procédures ou des outils. Cette artillerie de procédures et d’outils a pour effet d’alourdir l’organisation de fausses solutions, sans s’attaquer au problème de fond. Pour des organisations qu’on veut agiles - et qui dit agile dit lean - c’est un problème de taille.
 

Un exemple de solutionnisme:

Quand Denis Coderre a voulu interdire les pitbulls, il a fait fi des études qui démontraient qu’une telle interdiction ne réduirait pas les attaques commises par les chiens. Cette interdiction venait avec son lot de procédures:

  • Communication pour informer du nouveau règlement;

  • Circonscrire les races de chiens considérés dangereux;

  • Définir les moyens de contrôle de ces chiens (muselière, médaille, inscription…)

  • Déployer une brigade de surveillants pour donner des amendes aux contrevenants,

  • etc.

Cette liste de procédures n’est pas exhaustive et on peut s’imaginer que chacune de ces procédure est décuplée en sous-procédures. Tant de procédures donnent l’apparence d’être en contrôle. Malgré tout, Denis Coderre n’avait pas trouvé la solution pour réduire les attaques des chiens; il avait plutôt trouvé la solution pour atténuer la panique suscitée par les attaques de chiens (et par les médias). C’est ça le solutionnisme.


Un exemple organisationnel:


Quand un employé commet une erreur qui affecte un client (ou la chaîne de production), le réflexe est de mettre en place une procédure pour prévenir ce genre d’erreur. Prenons par exemple, le fiasco de la publicité de H&M. On peut s’imaginer que la compagnie a mis en place une procédure supplémentaire pour les futures campagnes publicitaires, par exemple par la création d’un comité de révision indépendant. Lourd. Alors que le problème de fond pourrait être tout autre, comme le manque de diversité dans l’équipe marketing ou un employé fâché contre son employeur.
 

En gestion des conflits, on appelle ça s’attaquer à l’inflation au lieu de s’attaquer à la source du problème.

 

La plupart des organisations sont préoccupées par le design organisationnel. En effet, 87% des organisations canadiennes sondées par Deloitte affirment que le design organisationnel est important ou très important pour elles. Statistique surprenante, 89% des répondants ne savent pas comment s’y prendre pour designer l’organisation du futur (source).

 

On pense que la première chose à faire, c’est d’identifier les procédures ou les outils mis en place qui s’attaquent à l’inflation ou aux faux problèmes. Quel est l’objectif de chaque procédure ? Est-ce que ces procédures ou ces outils répondent à un vrai problème ?  
 

Aujourd’hui, il ne fait pas de doute que le recrutement est la fonction la plus stratégique de l’organisation. Les organisations ne sont plus drivées par leurs produits (ou services), mais bien par les personnes qui contribuent à la réalisation de leur mission.


Dans ce contexte, le rôle du recrutement dans la création de l’organisation du futur est très important.

C’est le temps d’identifier les procédures ou les outils utilisés par notre profession qui sont du solutionnisme. En perpétuant ces façons de faire, nous contribuons à créer une culture organisationnelle qui encourage la médiocrité.


Par exemple:
 

1. L’entrevue

 

Solutionnisme technologique: Le recrutement 3D (sauf si on est - ou si on recrute - dans un endroit éloigné) pour que le candidat et le recruteur aient l’impression qu’ils sont dans la même pièce sans avoir à se déplacer.

Le vrai problème: l’entrevue, structurée ou non structurée, a une faible validité prédictive de succès une fois le candidat en poste.

Si on avait à designer l’organisation de demain, est-ce que l’entrevue aurait sa place pour choisir les talents ou l’utiliserait-on pour mobiliser à la vision de l’organisation ? Au lieu de l’entrevue traditionnelle, on pourrait plutôt utiliser des échantillons de travail. Dans ce cas, Oui! au recrutement 3D pour créer un échantillon de travail immersif!

2. Donner la chance aux mêmes personnes, tout le temps


À ce sujet, cet article sur Justin Timberlake est un bon exemple.
 

Solutionnisme technologique: les algorithmes et le big data. Par exemple, si on voulait s’aider d’algorithmes ou de big data pour dresser le portrait parfait d’un vice-président d’une compagnie de Fortune 500, notre référent serait le passé. On analyserait tous les éléments qu’on peut trouver sur les VP en poste depuis les 50 dernières années, par exemple, pour pouvoir le “répliquer”. On voit tout de suite les dangers de cette méthode. On pourrait modéliser des comportements problématiques qui ont été renforcés dans le passé. Notre VP idéal pourrait être un homme blanc, grand, extraverti…  

 

3. Promouvoir les mauvaises personnes au poste de gestionnaire

Le travail de gestionnaire est différent de celui d’un spécialiste. Pourtant, un des pré-requis pour être un gestionnaire est (souvent) la connaissance technique du domaine. Le poste de gestionnaire est aussi le cheminement de carrière “normal” pour un employé qui veut progresser. Les compétences requises pour être un gestionnaire sont très différentes de celles d’un spécialiste, pourtant ce sont ces personnes qui sont ciblées pour occuper ces postes.

Idée de design de l'organisation du futur: le poste de gestionnaire est au même niveau hiérarchique que les employés de son équipe.